#NikonCreators
J’ai rencontré Joël Cousinard au milieu des années 1990. J’ai épousé sa « soeur » pour faire simple.
La passion de la photographie nous a rapprochés.
Il est pour moi l’exemple du photographe talentueux passé à côté de sa carrière par manque de réseau et des contacts qui lui auraient mis le pied à l’étrier, cru en lui et qui lui auraient permis de décoller et d’en vivre.
Je rembobine : c’est par le truchement de son instituteur qu’il découvre et se passionne pour la photographie. Il squatte l’Instamatic (Kodak) de ses parents et commence à faire ses photographies.
Sa famille, sensible à son enthousiasme, lui offre pour Noël son premier labo pour la maison ainsi qu’un Lubitel 2, un boitier moyen format des pays de l’Est, abordable et efficace, pour lui permettre de maitriser toute la chaine.
Il fait tout, de la prise de vue à la réalisation des tirages. Il a appris comme ça.
Il a ensuite fait les choses dans l’ordre et commencé par un apprentissage auprès d’un photographe artisan qui lui a transmis son savoir : la photo à l’ancienne, les portraits de famille, les photos de mariage, le portrait studio mais aussi le travail de labo (tirages noir et blanc, retouche) , etc., etc. Avec l’obtention de son CAP, il a pu progresser dans l’accomplissement de tous les actes photographiques et s’améliorer sans cesse.
Quand il débarque à Paris, à 18 ans, il a la bave aux lèvres. Motivé comme un jeune labrador, il est convaincu de devenir le Henri Cartier-Bresson des années 1980.
Il commence par enchainer les petits boulots autour de la photographie (opérateur, tireur), le tout agrémenté parfois de petites piges, pour bouffer mais sans jamais avoir vraiment sa chance. La porte ne s’entrouvrira jamais.
Quand je l’ai rencontré, résigné et père de famille responsable, Joël entamait une carrière d’éducateur. Une longue carrière où il a excellé sans lâcher totalement le projet de base, parce qu’il a toujours utilisé la photo et le film pour lancer des projets avec les jeunes et leur apprendre les rudiments. Il a eu des résultats qui m’ont bluffé et qui ont sans doute procuré à ces gamins en difficulté l’essentiel des satisfactions que pouvait leur offrir cette vie difficile.
C’est avec l’arrivée du numérique et surtout des fabuleux reflex plein format qu’il a repris confiance en lui et replongé avec délice dans les joies de la création photographique.
Le fait de le faire avec moins de pression, sans l’enjeu alimentaire, comme un super hobby, lui a permis de donner libre cours à sa passion de toujours et de devenir sur le tard un photographe accompli. J’adore son travail. Une photographie sensible, un regard bienveillant sur le monde qui l’entoure.
Jean-Denis Walter
Ancien directeur de la photographie et rédacteur en chef de l’Equipe Magazine.
Fondateur il y a dix ans de la galerie éponyme dédiée à la photographie qui parle de sport.
La photo sans tapage
Les premières photos du jeune Joël Cousinard âgé d’une dizaine d’années, représentaient des carcasses de vielles machines agricoles toutes rouillées. J’avais été frappé par la beauté qui se dégageait de ces étranges créatures métalliques et qu’il avait su restituer. Il n’a jamais repris cette thématique plus tard, bien que pour un coup d’essai ce fut un coup de maître, mais Joël n’avait pas l’arrogance d’un Rodrigue ! Il voulut se perfectionner, à l’aide de matériel plus sérieux, il développa lui même ses clichés pris avec son premier appareil de qualité. Sa formation complète de photographe lui apprit tous les rouages du métier. Quand il s’agissait de prendre des photos, on faisait appel à lui, assuré d’obtenir d’excellents résultats.
Aujourd’hui, son travail artistique en noir et blanc relève d’une grande exigence esthétique. Mais il sait aussi sublimer les images par la couleur.
Sous l’apparence, la profondeur
Ses expositions témoignent de son incomparable talent à saisir, jusque dans les intitulés, la beauté là où on ne l’attend pas, retrouvant ainsi, du moins de mon point de vue, une façon de ses premiers clichés. Le handicap mental avec «MAS, la vie en maison d’accueil spécialisée », l’insertion avec « Les chemins de la dignité », l’élevage avec le merveilleux « Terre des hommes » sont les thèmes où il nous montre, selon ses mots : « le travail de ceux qui s’occupent des autres ».
Il suffit de consulter son dossier de presse pour constater qu’il a obtenu la reconnaissance méritée du public breton et des institutions locales.
Des prestations photographiques telles que : instants de vie, portraits, reportages, projets, nous sont maintenant proposées par le celui « qui n’aurait pas voulu tuer le père de Chimène », le talentueux et humble Joël Cousinard.
Alain Rigaudon, Auteur
Dans l’œil de Joël
J’ai rencontré Joël dans un IME briochin où il officie toujours en tant qu’éducateur depuis plusieurs années. Apprécié de tous, il y transmet des valeurs précieuses tout en se mettant à la portée des jeunes gens qu’il encadre avec une bienveillance affirmée. A l’origine de différents projets à dominante artistique, Joël parvient à embarquer ses collègues et élèves dans diverses aventures photographiques pouvant se muter également en contes cinématographiques.
Joël transmet. Des valeurs et des histoires. Il donne de la voix à celles et ceux qui gambillent autour des chemins trop rectilignes. Passeur d’émotions, intermédiaire entre les mondes, il met la lumière sur ces petits riens qui sont tout.
Joël crée. Par le biais de ses clichés éloquents, il sublime le vécu de celles et ceux qui croisent sa route.
Dans la chambre noire de son âme, il développe des photos limpides et subtiles des moments passés en retranscrivant par l’image des histoires qui ne demandent qu’à être racontées.
Joël ose. Joël est libre. Ses portraits ne vous laissent jamais de marbre car ils contiennent souvent une brûlure fugitive ou durable, une force éloquente acquise au fil des remous du grand bain. Certaines de ses œuvres vous attrapent par la main, d’autres par le colback. Tantôt elles vous bousculent et vous extirpent de vos petits schémas mentaux confortables, tantôt elles vous réconfortent en vous ramenant dans le giron soyeux des premières grandes émotions humaines.
Joël écoute. Il ne parle pas sans savoir et il recueille d’abord la parole avant de juger. Pause rec. Magnéto. Sur un bout de trottoir ou bien sur un banc lorsque les langues se délient pendant la pause matinale.
Joël partage. Des images et des rêves. Des regards et des postures. Des sourires ou des silences qu’il immortalise au gré de ses expositions à la fois terriennes et éthérées.
Joël a enclenché son retardateur de l’âme, le temps qu’il faudra pour encrer les idées à partir des ressentis. Les paroles fusent autour du baby-foot et Joël s’imprègne de l’instant. Polaroid mental ou plan séquence. Tout dépendra du grain d’ardeur dans la voix des acteurs qui jouent leur propre rôle.
Joël ne jase point mais il jazze avec les clichés : ceux qu’on nous impose, trop ternes et monolithiques et ceux qu’il prend lui-même, en âme et conscience, pour contrebalancer la doxa papier glacé. La réalité s’en trouve alors transfigurée par l’intermédiaire de ses mille et uns portraits rythmés par les gammes de nuances d’ombres et de lumières.
Joël rit. Sans jamais se prendre au sérieux, il sait trouver le bon mot pour désamorcer les situations poussiéreuses. La plaisanterie en bandoulière, il aborde la vie comme elle vient et choisit de zoomer sur les détails cocasses qui peuvent rendre l’existence clownesque.
Joël vibre aussi. Happé par la fébrilité du moment présent qu’il s’échine à figer avec une élégance minimaliste, il se laisse parfois cueillir par l’émotion. Les yeux brillants lors des cérémonies de départ, il renoue avec ses souvenirs et ses fêlures. Puis il se ressaisit et reprend du service. En bras de chemise, Joël replonge dans l’instinct de l’instant et vous tire le portrait comme jamais. Cadrage OK. Luminosité OK. Timing OK. Objectif bonheur !
Souriez, vous êtes vivants.
Erwan Le Troquer